C'est la question que pose le rapport 2009 du comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU en indiquant clairement que cet objectif entrant dans le cadre et la mission du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) est aujourd'hui très loin d'être atteint.
Pour rappel, le PNRU concerne en France environ 460 quartiers défavorisés (ZUS) et 3 Millions d'habitants. Le PNRU est un plan ambitieux démarré en 2004 qui a pour vocation de désenclaver les quartiers sensibles (par des opérations de démolition/reconstruction, réhabilitation et résidentialisation) et mixer les populations afin d'éviter toute ghettoïsation et stigmatisation de ces quartiers.
Selon ce rapport, les objectifs quantitatifs du PNRU ont été atteints à 70% mais le volet peuplement est un échec réel.
Le Comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU a effectué une évaluation précise et transversale sur 10 sites emblématiques des quartiers sensibles dont pour la Seine Saint Denis, le plateau de Clichy-Montfermeil.
Cette évaluation montre que 80% des logements reconstitués relèvent de l’habitat collectif là où il aurait fallu diversifier la morphologie urbaine (immeubles bas, maisons de villes, ...) et les statuts (Accession à la propriété, Logements Non sociaux).
De même, dans 70% des cas, les habitants concernés par les démolitions sont relogés dans leur quartier d’origine alors qu'il aurait fallu reconstruire des logements sociaux ailleurs dans la ville et construire des logements non sociaux sur les sites libérés par les démolitions pour y attirer des ménages à statut socio-économique différent.
Du coup, le brassage des populations voulut par l'ANRU (et nécessaire au désenclavement socio-culturel de ces quartiers) ne s'est pas fait.
Yazid Sabeg indique que la mise en oeuvre du droit au logement opposable (Dalo) a contribué à cette situation puisque les bénéficiaires sont systématiquement relogés dans ces quartiers.
Pour ma part, et au vu des discussions qui se posent aujourd'hui sur la ville d'Aulnay sous Bois, je pense que les responsabilités sont principalement partagées entre les politiques, les habitants de ces quartiers et les riverains habitant en dehors de ces quartiers. Voici mon analyse, elle n'engage que moi et n'a pas vocation à être polémique mais à être débattu si besoin.
Nous avons d'un côté, les habitants des quartiers qui ont souvent des attaches fortes et profondes avec leur quartier d'origine (il n'y a qu'à voir l'émoi suscité lorsqu'une tour est démolie) et demandent très souvent à être relogés au même endroit (car ils y ont leurs souvenirs, leurs amis, leur vie...).
De l'autre côté, les riverains habitant hors de ces quartiers s'opposent en générale à toute construction de logements sociaux dans leur quartier (même si le projet urbanistique s'intègre parfaitement au quartier... NB: Je ne parle pas ici des projets qui proposent de supprimer totalement des Espaces Verts, de densifier fortement des quartiers aujourd'hui pavillonnaires ou éloignés des Transports en Commun car pour ces projets le problème n'est pas le caractère social du projet mais bien le projet en lui même et son intégration dans le quartier) car ils craignent dépréciation financière de leur bien et dégradation de leur qualité de vie (en résumé, ils ne souhaitent pas importer les problèmes des quartiers sensibles chez eux et cela se comprend).
Enfin, nous avons au milieu les politiciens qui surfent plus sur l'idéologie politique que sur la question du bien vivre ensemble....
En effet, la gauche justifie la construction de ces logements sociaux par la promesse faite à ses électeurs, par le besoin de ces populations défavorisées, par la justice sociale mise en avant au niveau locale car bafouée au niveau national et surtout stigmatise les riverains des autres quartiers pour leur égoïsme.
La droite quand à elle, insiste sur le betonnage, sur la volonté municipale d'augmenter le parc de logements sociaux et sur les problèmes de sécurité qui pourraient se poser... alors que le fond du débat est tout autre.
Nous avons vu que la ghettoisation d'un quartier engendre des graves problèmes qui un jour ou l'autre (et cela quelque soit la hauteur du mur, quelque soit le nombre de policiers) débordent du quartier (exemple des émeutes de 2005 encore bien présentes dans notre mémoire collective).
La solution existe, elle consiste à mixer les populations sur un territoire. Des études montrent que les actes d'incivilité et de délinquance sont toujours plus faibles dans un quartier où existe une mixité totale de la population (mixité socio-professionnel et mixité culturel et cultuel).
Cependant la mixité sociale ne s'obtient pas en construisant 50 ou 100 logements sociaux au coeur d'un quartiers n'en comptant aucun et en déplaçant ces populations défavorisées de façon abruptes. La mixité sociale se travaille, elle doit s'effectuer par petites touches pour ne pas déséquilibrer brutalement un quartier, elle doit s'accompagner et surtout elle doit se prévoir à l'échelle d'une ville et sur une période de temps plus ou moins longue (le temps du politique n'est pas forcément celui de la ville dans ces cas précis). Elle doit être pensée avec les habitants pour les habitants car tous les quartiers ont à gagner de faire partie d'une ville apaisée.
D'autre part et c'est également un grave échec, le rapport note que le transport urbain et le développement économique local ont été largement déconnectés de la rénovation des quartiers, faute d’une gouvernance globale qui intègre de façon cohérente et coordonnée les diverses problématiques de la politique de la ville. De même, les interventions touchant à l'enseignement et aux groupes scolaires ont surtout consisté à réhabiliter des infrastructures dégradées sans chercher à créer une nouvelle attractivité pour ces établissements qui continuent à être éviter par ceux qui en ont le choix.
Vous pouvez télécharger le rapport complet à cette adresse (PDF, 1,5 Mo).
Dans ce rapport, on parle concrètement d'Aulnay sous Bois à plusieurs reprises, notamment page 67
"Croissance de l’activité de l’opérateur en zones de rénovation urbaine
L’activité de Nexity en zone de PRU est en forte progression : 7% des logements en 2006, 18% sur les neufs premiers mois de 2009. En moyenne, plus de 900 logements ont été réalisés en zone ANRU sur les quatre dernières années. La tendance est assez nettement orientée à la hausse. La répartition entre périmètre ANRU au sens strict et « bordure des 500m » fluctue au cours des années mais plutôt en faveur d’une production au sein même des quartiers. Sur l’ensemble de la période : 42% de la production est localisée dans le périmètre ANRU. Les programmes sont de taille modeste ; moins de 70 logements en moyenne.
Au cours de la période 2006-2009, les ventes en bloc (VEFA) comptent pour 22% du total des réservations en zones ANRU. Ce taux est un peu plus élevé en bordure des 500m (25%) qu’en périmètre ANRU (17%), ce qui indique que les ventes en blocs pour la création de nouveaux logements sociaux sont plus fréquentes hors des limites du quartier. La part des ventes en bloc est globalement en augmentation, notamment en 2008 avec près de 45% des réservations.
Deux explications sont possibles. Premièrement, c’est un effet de la crise immobilière avec la revente à des bailleurs de programmes (ou parties de programmes) dont la commercialisation a été compromise en raison de l’effondrement de l’activité du marché. Mais, deuxièmement, cette situation recouvre aussi le recours aux opérateurs privés par les porteurs de projet pour accélérer la production de l’offre reconstituée de logements sociaux (cette situation a par exemple été repérée à Aulnay)."
à la page 103
"Premier bilan sur l’avancement de la diversification de l’habitat
Sur les douze sites de l’évaluation transversale, le taux de diversification varie de 1% (Aulnay) à 25% (Marseille) au terme des projets de rénovation urbaine. Il est en moyenne de 9,1% sur les douze sites. Le nombre de démolitions ainsi que le taux de reconstitution des logements sociaux hors site influent sur le taux de diversification, car le foncier libéré par les logements non reconstruits sur site permet de construire d’autres logements non sociaux.
Ainsi, parmi les quatre sites qui disposent des plus forts taux de diversification se trouvent les sites où le nombre de démolitions est le plus important (Marseille, Garges (Muette) et Lorient). A l’inverse, les sites à faible diversification sont les sites de taille importante et sur lesquels la proportion de démolition est relativement faible (Dreux, Argenteuil, Lyon Aulnay, Meaux). Le projet de Clichy/Montfermeil est un cas particulier en raison de la prédominance des copropriétés dégradées. Leur démolition donne lieu principalement à une production de logements sociaux."
qui pointe notamment le plus mauvais taux pour la diversification de l'habitat avec 1%!!!
et enfin page 108/109
"Equilibrer le bilan de ZAC par la densification : Aulnay-sous-Bois - Quartiers nord
La situation à Aulnay-sous-Bois témoigne des logiques économiques qui pèsent sur les collectivités. Dans le projet initial, la programmation privée était très réduite, car la diversification n’apparaissait pas au coeur de la stratégie urbaine mise en oeuvre.
Deux éléments sont venus mettre en évidence l’intervention du privé comme une porte de sortie possible à des points d’achoppement du projet. Premièrement, face aux difficultés pour reconstituer l’offre de logements sociaux démolis, l’appel à des promoteurs permet d’accélérer la production grâce à des programmes mixtes privé/social en VEFA. Par ailleurs, les difficultés d’équilibre économique de la ZAC qui constitue le coeur du projet ont conduit le porteur de projet à réviser la programmation en réduisant les équipements au profit des logements (en particulier privés) pour réduire le déficit.
La diversification sera probablement au final assez importante et résultera moins d’une intention liée au peuplement ou à l’offre de logement que d’une logique économique d’équilibre financier de la ZAC."
ou quand la logique économique rejoint par chance l'objectif de diversification
Source : La Gazette des Communes, Le Rapport 2009 du CES/ANRU et C. Hazebrouck pour Les Amis d'Aulnay
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